La musique en BD

Surprise que ce deuxième tome ! Mausart, le souriceau prodige, part ici effectuer une tournée en Italie, à l'initiative de son rival Salieri. Face à son succès, il soupçonne ce dernier de vouloir l'éloigner de manière détournée de la cour autrichienne. Il arrive à Venise au moment du bal masqué et découvre les merveilles de la Cité des Doges avec l'aide du chat Lopar, un ami de Salieri, qui l'a confié à ses bons soins. Avant de jouer au Palais de l'éminent Sassin, Mausart décide de partir à l'aventure dans les rues de la ville où il fera d'étonnantes rencontres mais où il devra aussi échapper aux griffes d'un redoutable ennemi... Si le récit est enlevé et amusant, l'intérêt principal de cet album réside surtout dans le plaisir que l'on prend à découvrir Venise à travers les dessins tout en finesse et détails de Smudja.

Certaines vies sont devenues des légendes : celle de Django Reinhardt notamment. Cette BD nous en raconte la première partie. Né dans une famille manouche, il vit à Paris dans la Zone, apprend tout seul le banjo (il ne sait pas lire, n'a jamais fait d'études de musique) et intègre très vite des orchestres connus. Mais un terrible accident l'oblige à s'approprier un nouvel instrument, qui l'a rendu célèbre : la guitare. Le dossier qui clôt le récit nous apprend que certains points de la vie de Django étaient peu ou mal connus, et que les auteurs de la BD ont fait certains choix. Il n'en reste pas moins que ce récit et les illustrations de Efa, riches et colorées, ont dessiné un univers peut-être imaginé en partie, mais qui rend grâce à cette vie hors du commun et qui prend le lecteur. 

Une biographie passionnante de Joséphine Baker, première star noire reconnue internationalement.

Résumer Joséphine Baker à une femme qui a conquis Paris en dansant avec des bananes autour de la taille est une erreur. Joséphine Baker est une femme libre qui ira jusqu’au bout de ses rêves. Catel & Bocquet nous retracent les combats de Joséphine contre les brimades, la ségrégation, mais aussi son ascension ; ils dévoilent des aspects moins connus de sa personnalité comme son patriotisme, son rôle de mère, son amour de la fraternité. Dès la première page, le ton est donné ! l’histoire nous entraîne dans un rythme enlevé. La joie de vivre, la force de caractère de Joséphine Baker sont parfaitement rendus dans ce roman graphique en noir et blanc attachant. Le graphisme est fin, radieux et souligne parfaitement la générosité de Joséphine et sa vie tumultueuse. A lire !

Quelle personnalité se cache derrière ce génie de la musique qui mit fin très tôt à une brillante carrière de concertiste pour se consacrer aux enregistrements en studio et à la production de documentaires radiophoniques ? Sandrine Revel met tout son talent graphique (et quel talent !) à explorer la vie d'un homme hors du commun. La biographie commence alors que Gould est victime de l'accident vasculaire cérébral qui lui sera fatal. Le scénario entremêle présent de l'hospitalisation et flashbacks sur les différents épisodes de la vie du musicien, éclairant ses manies et ses obsessions, ses rapports avec sa famille et ses proches, sa conception de la musique... S'entrecroisent petits épisodes narratifs ou graphiques, témoignages, interviews. Au final une biographie très documentée dans un très bel écrin graphique.

Chronologie en chansons avec les titres mythiques qui ont fait la gloire des Beatles puis de la carrière solo de Paul McCartney : de 1957 (à 15 ans il joue la première fois en public avec le groupe de John Lennon) à 2018, en passant par les années musicalement les plus marquantes. Les évolutions du groupe, les Fab Four en 1964, leurs succès, leurs désaccords et leur séparation en 1969. Puis une autre carrière pour McCartney, avec les Wings, ses albums successifs et nombreux dans lesquels on découvre ses recherches musicales ; hauts et bas aussi, duos qui ont eu de l'audience (S. Wonder, M. Jackson, E. Costello, etc.), un single de retrouvailles avec Ringo et George en 1995, son dernier album en 2020 et encore des projets. Innovant, curieux et productif, ce jeune rocker de bientôt 80 ans épate toujours autant : cette lecture donne envie de (ré)écouter une discographie à la fois nostalgique et contemporaine remarquable.

De Lucien Ginsburg à Serge Gainsbourg, puis Gainsbarre, les instants-clés de la vie de cet auteur-compositeur tourmenté et provocateur : l'arrivée de ses parents à Paris pour fuir la Révolution russe ; sa formation entre musique et peinture ; le port de l'étoile jaune et le refuge chez les Jésuites pendant l'Occupation ; son passage à l'Académie de Montmartre avant de trouver sa voie dans la chanson et la composition... Et bien sûr les femmes ! Une partition graphique pleine d'humour, de références, de clins d'œil, à la hauteur du personnage.

L'histoire d'Abdallah Kamanja, grand mélomane et inventeur et concepteur de l'unique piano oriental ayant jamais existé. Zeina Abirached s'inspire de son arrière-grand-père, qui mit au point cet incroyable instrument, et l'entremêle du récit de son propre apprentissage de ses deux langues maternelles, le français et l'arabe. Humour, délicatesse, poésie, inventivité graphique et art du détail redonnent vie à cette histoire familiale et ces souvenirs par un somptueux dessin en noir et blanc.

La vie extraordinaire de Nica de Koenigswarter, une femme libre qui a traversé le XXe siècle avec beaucoup de panache et une sacrée détermination. Née Pannonica Rothschild en 1913, grâce à son frère, adolescente, elle découvre le jazz, musique qui l'accompagnera toute sa vie. Elle épouse Jules de Koenigswarter en 1935, devient mère, s'engage dans l'armée pour rejoindre son époux en Afrique durant la Seconde Guerre mondiale, le suit ensuite dans sa carrière diplomatique... et s'essouffle à ses côtés. Elle renaît à New York au début des années 1950 où elle fréquente et soutient les plus grands musiciens noirs du jazz be-bop, particulièrement le complexe Thelonious Monk, devenant « la baronne du jazz », inspirant de nombreux artistes (un flashcode nous invite à écouter une playlist). Le dessin épouse toute la fantaisie de Nica, décors en noir et blanc, Nica et ses proches et amis en couleur, ça vibre et ça émeut.

Mausart, le souriceau, adore la musique comme le reste de sa famille. Il rêve d'avoir un piano rien qu'à lui mais se contente pour l'instant d'habiter dans le piano de Salieri, le loup. Un matin, alors que le loup est sorti, il se met à jouer un air merveilleux qui attire l'attention du roi. Pensant que c'est Salieri, le souverain prie celui-ci de venir jouer cet air au bal le soir-même. Le compositeur bien embêté charge son laquais, un gros chat, de capturer la souris et l'oblige à jouer afin de duper le roi. Mais la vérité sera faite et Mausart reconnu. Cette histoire est une relecture du film Amadeus dans une transposition zoomorphique adaptée aux petits mais aussi un beau conte dessiné avec talent par Smudja. Son dessin y est d'une grande finesse, les décors somptueux et les bêtes, plus vraies que nature même avec perruques et pourpoints. Un travail d'orfèvre que l'on a plaisir à lire et à faire lire aux enfants. 

Suivant un père et son fils, collecteurs de chansons comme il y eut des collecteurs de contes, le récit nous fait découvrir les musiques populaires américaines, du ragtime au blues. La magie opère, avec des ambiances fantomatiques, mystérieuses, d'étranges personnages qui révèlent leurs trésors, dans un contexte de pauvreté et de racisme absolu. Un très bel hommage au folklore musical, et à ces deux hommes dont le travail a permis à la culture américaine de s'ouvrir.

Coup de cœur sur le tome 2, Bon anniversaire Scylla : deuxième opus des aventures de l’orchestre, convoqué ici pour l’anniversaire d’une très vieille dame, avant son émigration. Pendant 90 pages, l’orchestre ne cesse de jouer, les invités de danser de case en case, les musiciens tour à tour mènent le bal et jouent leur air personnel sous forme de scène de vie : enivrement sensuel d’une baignade partagée, conte terrifiant inventé au fur et à mesure, violon de maître rencontrant virtuose, ainsi s’enchaînent les mouvements d’une nuit pas comme les autres, illuminée par les couleurs de Sfar, entièrement à l’aquarelle. Bien sûr, c’est parfois d’un rythme un peu inégal, et le talent de l’auteur confine à la facilité sur une telle longueur, mais quelle légèreté, quel plaisir de lecture ! On en sort avec l’impression d’un tourbillon mélodique qui ne s’éteint jamais.

Inspirée des jeunes années de Ludwig van Beethoven, cette fiction imaginée par Mikaël Ross se révèle à la fois drôle et sensible, voire par moments totalement irrévérencieuse (le traitement de la rencontre avec Mozart en est la parfaite illustration) mais toujours en conservant une cohérence avec la réalité biographique du compositeur. C'est d'ailleurs là que se situe le tour de force réalisé par l'auteur. La trame narrative très rythmée couplée à des dessins d'une énergie folle nous fait littéralement dévorer les presque deux cents pages de cette bande dessinée. Un fort bel hommage à ce génie musical, dont on fêtait les 250 ans de la naissance en 2020.

En 20 chapitres au déroulé chronologique, une biographie passionnante de cette icône mondiale de la scène musicale. Né à Londres en 1947, il découvre très tôt la musique grâce à son demi-frère, étrange et admiré. Doué, inventif, transgressif, cet artiste à la personnalité fascinante, une fois propulsé star, n'aura de cesse d'explorer pour se renouveler avec un sacré talent et beaucoup d'audace. Du groupe des Kon-Rads à celui des Tin Machine, du personnage de Ziggy Stardust à celui du Thin White Duke, cet auteur-compositeur-interprète brille, se perd, renaît, collectionnant les albums cultes, toujours en avance d'une tendance. Chaque chapitre se compose d'une partie bande dessinée, un même scénariste mais des dessinateurs différents, accompagnée d'une double page documentaire solidement étayée et illustrée. Une belle entrée en matière pour un public adolescent qui donne envie d'explorer la très riche discographie de Bowie.

 La chanteuse française la plus importante jusqu'à Édith Piaf.

Fréhel (1891-1959) a marqué l 'histoire de la chanson française à tel point que son nom est encore salué par les amateurs, ses chansons citées en référence. Ce gros roman graphique se lance le défi de retracer le parcours d'une artiste maudite, marquée par un succès prolongé et renouvelé tout au long des années 1930, notamment grâce au cinéma, mais aussi des échecs sentimentaux et des drames à répétition. Démolie par la boisson et la drogue, cette abîmée de la vie a croisé tous les plus grands et se révèle un guide unique pour voir la France de 1900-1950. Le récit est complet et habile avec des dessins plutôt doux, loin du registre vériste de la chanteuse. L'interprète de « La Java bleue », morte dans une sordide misère, « saluée par une foule immense », méritait bien cet hommage.