A la rencontre de l'invisible : les prisons en bandes dessinées

Sélection par Les bibliothécaires - BnF

Le 4 décembre 2023, la salle Ovale accueille les délibérations pour l’Île de France du deuxième prix Goncourt des détenus. L’occasion d’une évasion littéraire et de rencontres hors les murs, avec une opportunité pour inviter nos lecteurs au parcours inverse. A travers une sélection de bandes dessinées documentaires sur la vie des personnes incarcérées et les prisons, parfois co-écrites avec les intéressé(e)s, nous vous proposons de découvrir  la réalité de la réclusion dans des établissements pénitentiaires de France et d’autres pays. Une immersion à la rencontre de réalités, le plus souvent inconnues. Une visite pour saisir l’humain derrière les condamné(e)s et les conditions difficiles, les traitements dégradants voire inhumains, qui se jouent derrière ces murs à l’intérieur desquels on ne pénètre pas. Une matière dessinée pour ouvrir à la réflexion sur la notion de justice, de peines et d’enfermement dans la lignée de l’ouvrage précurseur de Michel Foucault Surveiller et punir.

Sélection thématique Bande dessinée et roman graphique

Nos derniers coups de coeur

Dans la prison

Le mangaka raconte ses trois années d'incarcération, à partir de décembre 1994, dans une prison de l'île nord d'Hokkaido pour détention illégale d'arme à feu. Il décrit la vie quotidienne dans cette communauté carcérale et élabore une réflexion sur la condition de détenu dans le système nippon.

Phénoménologie expérimentale de la prison.

Grâce à une description dessinée, écrite, narrative et temporelle extrêmement détaillée, l'auteur rend compte de manière universelle de la condition de détenu : un système de règles, d’interdits et de gestes identiques et un régime disciplinaire sanctionné de punitions sans aucun sens au sein duquel le temps s’écoule de manière répétitive. La spécificité du système carcéral japonais n’en reste pas moins prédominante avec son organisation millimétrée et son hygiène sans concession. Malgré tout, l’humain survit à la désincarnation des corps, machines obéissantes, à travers la camaraderie et la nourriture, que l’auteur nous décrit comme un florilège de la cuisine japonaise et dont l’envahissement graphique nous entraîne à la limite de l’écœurement et au cœur d’une obsession que l’on comprend salvatrice. 

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Paroles de parloirs

Paroles de parloirs

Réunit 22 récits de détenus, qui sont autant de fenêtres ouvertes sur l'univers carcéral. Ce tome donne la parole aux familles qui vivent l'incarcération à travers un proche détenu.

Des histoires où les mots racontent les maux de ceux qui vivent à l'extérieur,  mais sont enfermés entre des murs, construits par les racines de la prison.

En voici quelques extraits :

« Dans ma tête, j’essaie de transformer ces trente minutes de tendresse en un instant d’éternité… »

« Le plus dur, c’est de vivre avec le vide »

« Au parloir avec papa et Karine, on pense à demain, on fait des projets pour quand  il va sortir, on parle que du futur. »

« Durant toute sa détention, je vais hiberner. Mon printemps commencera quand il sera dehors. »

« Depuis le 26  mars on a pris mon père. Je le vois que le samedi. Ca me brise le cœur. Rendez-le moi. »

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Perpendiculaire au soleil

En 2016, Valentine Cuny-Le Callet entame une correspondance avec Renaldo McGirth, condamné à mort, incarcéré depuis plus de 10 ans en Floride. Au fil de leurs lettres, des images qu'ils s'échangent, des rares visites, naît le récit graphique de leurs vies parallèles. Le livre questionne avec une intense émotion la brutalité d'un système carcéral, et l'amitié qui surgit, depuis une cellule de 5m2.

Du dessin comme évidence de la vie.

En 2016, après avoir adhéré au programme de correspondance avec un condamné à mort de l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture), Valentine Cuny-Le Callet, 19 ans, entame une correspondance avec Renaldo McGirth, incarcéré pour meurtre en 2006, alors âgé de 18 ans, et condamné à la peine capitale deux ans plus tard par l'État de Floride, devenant à 20 ans le plus jeune condamné à mort aux États-Unis. Quand Valentine fait sa connaissance par lettres interposées, Renaldo a désormais 28 ans. Il se bat pour obtenir la révision de son procès et être reconnu innocent. Comment parler de cet échange épistolaire dessiné singulier courant sur 5 années sans rien lui enlever ? 430 pages entrelaçant récit très personnel et d'une bouleversante humanité d'une belle rencontre et d'une sincère amitié, analyse d'un système carcéral régi par des lois parfois absurdes et d'une grande brutalité, plaidoyer contre la peine de mort, constat de la persistance de la ségrégation raciale et sociale... Et formidable livre d'artistes réalisé à 4 mains car si seul le nom de Valentine apparaît sur la couverture, Renaldo est coauteur malgré l'interdiction de publier de par son statut de condamné. Une lecture coup de poing qui nous fait partager la force de vie d'un jeune homme dont l'horizon se limite à un espace de 5 mètres carrés depuis 10 ans et découvrir une jeune autrice qui force l'admiration par son talent, ses questionnements et sa maturité ! (par Pascale Joncour, publié dans La Revue des livres pour enfants)

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Guantanamo Kid

Guantanámo kid : l'histoire vraie de Mohamed El-Gorani

Témoignage d'un jeune Tchadien, vivant avec sa famille en Arabie saoudite, qui parce qu'il a pris un faux nom pour obtenir des papiers lui permettant d'aller étudier l'anglais et l'informatique au Pakistan en 2001, à l'âge de 13 ans, a été soupçonné d'appartenir à Al-Qaida. Il raconte ses conditions de détention par les Américains à Kandahar puis pendant sept ans à Guantanamo.

Dans l'enfer du non-droit.

En 2011, Jérôme Tubiana, journaliste-chercheur, rencontrait Mohammed Al-Gorani, Saoudien d'origine tchadienne qui eut le triste privilège d'être le plus jeune détenu de la célèbre prison de Guantanamo, avant d'être finalement innocenté. De ces entretiens naît une BD-témoignage précise et documentée. De son arrestation au Pakistan au lendemain des attentats du 11 septembre, alors qu'il était simple étudiant, à sa libération 6 ans plus tard, le terrible quotidien qu'il a vécu nous est raconté de façon détaillée. Les interrogatoires, les mauvais traitements, les brimades et les humiliations ; mais aussi les révoltes et les bravades contre ces dernières - Mohammed El-Gorani fut tout sauf un prisonnier passif - ou encore les rapports souvent conflictuels, parfois ubuesques, avec ses geôliers. Au-delà du témoignage, le dessin en noir et blanc, épuré, presque sage, d'Alexandre Franc évite toute surenchère dans le voyeurisme. En sus de la partie en BD, un témoignage de Jérôme Tubiana nous interpelle sur le sort de Mohammed Al-Gorani, qui, bien que libéré, demeure un apatride partout où il vit, sous étroite surveillance des services secrets américains. À lire absolument, alors que plus de 9 ans après les promesses de Barack Obama, le camp de Guantantamo reste toujours ouvert. (par Jonathan Paul , publié dans La Revue des livres pour enfants, septembre 2018)

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Prison n°5

Ce livre est le fruit d'une détermination, transformant un emprisonnement en une résistance. Zehra Dogan, artiste kurde condamnée pour une exposition de dessins réalisés en prison, fut jetée en 2017 dans la prison n°5 de Diyarbakir, en Turquie. Elle nous immerge dans son quotidien carcéral. Découvrir le passé de ce haut lieu de persécutions et de résistances, c'est connaître la lutte du peuple kurde.

De la prison comme instrument de torture.

Chaque page de cette bande dessinée, sortie clandestinement de prison, a été réalisée pendant l’incarcération de l’artiste, et dessinée au dos des lettres laissées vierges envoyées régulièrement par une amie. Un dessin de révolte, réalisé au crayon et mâtiné de détails, jouant avec les pleins et les vides, les plans d’ensembles et les portraits et rehaussé de feutre rouge, symbole de la répression, du sang et de la violence. Une mise en parallèle de la camaraderie féminine et communautaire qui assure la survie dans cette prison pour femmes, avec l’histoire de la répression du peuple kurde de Turquie et l’utilisation par l’Etat des prisons comme instrument de tortures et d’oppression. Une histoire de résilience et de résistance au féminin, qui se transmet de génération en génération et dont les Mères de la paix  sont le symbole.    

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Symphonie carcérale

Symphonie carcérale : petites et grandes histoires des concerts en prison

Romain est coordinateur culturel au centre pénitentiaire de Fresnes depuis dix ans. Il organise des concerts pour les personnes incarcérées et retrace l'histoire de ce type d'animation en univers carcéral, de son expérience dans une prison du Honduras à celle de Fresnes ou encore de la performance de Johnny Cash à Folsom en 1968 à l'évasion musicale qu'il organise pour les détenus.

La musique est un droit inaliénable.

Une découverte documentaire, avec quelques documents d’archives en appendice, de l’histoire des concerts en prison, en France, à travers le regard et les paroles de tous les intéressés.  Une réflexion sur la place de la musique à l’intérieur d’un système pénal où la réinsertion, la formation et la culture sont peu financées en comparaison de nombreux autres pays. Une immersion dans le travail de programmation musicale, ses joies et déboires ainsi qu’un partage de l’expérience des musiciens, racontés avec humour par un professionnel aguerri et illustrés de paroles de chansons. Une description de la prison, des employés pénitentiaires et des détenus, simple, réaliste et neutre mais qui n’édulcore pas l’état du système pénitentiaire français : « On est 70000 êtres humains à vivre sur l’équivalent de quarante-cinq terrains de foot. »

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