Pères et Fils : les auteurs de BD face à la filiation masculine

Sélection par Les bibliothécaires - BnF

Même si les mères jouent encore un rôle prépondérant dans l’éducation des enfants, les rôles sociaux poursuivent leurs mutations malgré des revendications masculinistes de plus en plus bruyantes et une égalité entre hommes et femmes encore pour l’instant illusoire (Chiffres-clés : Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes). L’image du père autoritaire, chef de famille, détenteur et transmetteur des valeurs viriles à ses fils est de plus en plus remise en question, non seulement par les mères qui luttent pour un partage équitable des tâches parentales, mais aussi par de nombreux pères, qui s’impliquent émotionnellement dans l’éducation de leurs fils et s’investissent dans une relation tendre et sensible fondée sur le partage et la bienveillance. Les auteurs de BD interrogent aujourd’hui cette reconfiguration des relations masculines, que ce soit en tant que pères ou fils. Autobiographiques ou fictionnelles, tragiques ou heureuses, toxiques ou bienveillantes, voici quelques unes des variations dessinées sur ce fait social à découvrir en salle Ovale.

Sélection thématique Bande dessinée et roman graphique

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La terre des fils

La terre des fils

Dans un futur incertain, un père et ses deux fils, comptant parmi les survivants d'une catastrophe, doivent penser à leur survie. Chaque soir le père écrit dans un journal. Ses fils voudraient savoir ce qu'il note, comment c'était avant. Prix Ouest-France Quai des Bulles 2017, prix de la meilleure bande dessinée 2017 (Utopiales), Grand prix RTL de la BD 2017, Grand prix de la critique ACBD 2018.

Les fils de l'espoir ?

Gipi a été découvert en France avec le formidable Le Local en 2005. Curieusement, on retrouve ici les mêmes thématiques des rapports père-fils, de la rébellion, de l'adolescence et son malaise, dans un contexte non pas réaliste et contemporain, mais dans une histoire de fin du monde. Tout a disparu : civilisation, culture, société. Seuls survivent au bord d'un lac un père, ses deux fils analphabètes et quelques groupes isolés. Le journal que tient le père est un trésor par nature inaccessible aux illettrés, et l'objet de désirs et de tensions. Gipi alterne avec une maestria confondante les scènes intimes, les touches psychologiques et les épisodes de folie de ceux qui ne sont plus que des barbares (ou encore des hommes ?). Son graphisme noir et blanc faussement simple donne vie à un monde ensauvagé. Une oeuvre exceptionnelle. (par Olivier Piffault, publié dans La Revue des livres pour enfants)

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Arrêt de jeu : journal d'un footballeur mal dans ses pompes

Sur la pelouse avant même l'âge des premières dictées, Maxime se prend de passion pour le ballon rond. Au fil des saisons et des succès, il se rêve professionnel comme son père. Mais point rapidement en lui un malaise, une gêne qu'il lui faudra des années pour identifier. Si Maxime a désormais arrêté le football, ce n'est certainement pas par désintérêt pour ce sport qu'il chérit toujours, mais pour ses à-côtés pesants : comportements toxiques, culte de la masculinité guerrière et surmenage… Dans Arrêt de jeu, il nous livre son histoire d'amour contrariée avec le ballon rond, du city stade au haut niveau, avec tendresse, passion mais sans ménagement.

Le foot, une initiation de pères en fils ?

Avant de devenir illustrateur et graphiste, Maxime Schertenleib rêvait de devenir footballeur professionnel par admiration pour son père et fut semi-pro en Suisse. Cependant, dans cette première BD autobiographique, il livre tout le malaise caché durant son enfance et son adolescence qui finit par lui exploser en pleine figure. L'auteur y dépeint avec justesse la violence verbale, physique, le dressage des jeunes en club par des éducateurs reproduisant les comportements de la masculinité toxique où la maltraitance psychologique est érigée en système. L'ensemble est franc, rude, touchant. Ce roman graphique fera réfléchir sur le masculinisme dans le sport et notamment le football : à conseiller à tous les garçons et ados qui évoluent en club ! (par Romain Gaillard, publié dans La Revue des livres pour enfants)

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La route

La route

Dans un monde post-apocalyptique dévasté, un père et son fils errent sur une route, affrontant le froid, la pluie et la neige, fuyant toute présence humaine. En un voyage crépusculaire, poussant leur chariot rempli d'objets hétéroclites, ils marchent vers la mer. Grand prix de la BD Elle 2024, prix Babelio 2024 (bande dessinée).

Le noir est une couleur chaude

Cette adaptation de l’œuvre de Cormac McCarthy permet à Manu Larcenet de déployer toute la puissance de sa représentation de la noirceur du monde et son peu d’espoir dans l’Humanité. Une apothéose macabre et funeste après Blast et Le rapport de Brodeck. Un graphisme sombre duquel jamais aucune lumière n’émerge et qui multiplie à l’infini les visions d’horreur. Si ce conte de la catastrophe déploie une philosophie de l’inéluctable et de la disparition de notre civilisation, la peinture de l’enfance emplit l’œuvre d’une touche de chaleur et d’espoir. Chaleur d’un père pour qui l’enfant devient le seul bien à protéger. Chaleur de la naïveté d’une conscience qui grandit et qui face à l’atrocité voit s'éveiller des valeurs morales et de bienveillance. Un cri d’espoir symbolique lancé dans le brouillard de notre monde ?

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Pill Hill

Après un divorce, un père et son fils doivent apprendre à vivre ensemble. Alors que le père devient obsédé par un mystérieux colleur de chewing gums sur les arbres d'un parc voisin, le récit entraîne le lecteur dans une réalité hallucinée où cohabitent reptiliens, conspirationnistes et ... trous noirs. Mais Pill hill est avant tout une histoire bouleversante sur les relations entre pères et fils.

Au nom du père et des fils

Être père n’est pas un métier, ni une vocation et encore moins le fruit d’une déconstruction des normes masculines, pour Nicholas Breutzman, l’auteur de cette bande dessinée autobiographique. C’est tout simplement sa nature et sa vie. Un père bienveillant, et pourtant aux limites de la folie, qui se bat pour protéger son fils et son beau-fils de l’addiction qui détruit leur mère. A la lecture de cette œuvre, la notion aujourd’hui encore en usage en psychologie de « mère suffisamment bonne » de Donald Winnicott, et qui conceptualise les soins nécessaires à la sécurité et au développement des enfants, semble peut-être devenue trop genrée en regard de ces nouveaux pères « suffisamment bons ».

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Le spectateur

Samuel naît muet, du moins c'est ce que pensent ses parents. Et c'est à travers ce prisme et son regard que le fil de sa vie se déroule, autour d'un sentiment étrange : celui de n'être que le spectateur de sa propre existence. En effet, du fait de son mutisme, Samuel ne parvient ni à interagir, ni à influer sur les événements auxquels il est confronté… Un subtil délice doux-amer.

Être ou ne pas être acteur de sa vie ?

Qui est le spectateur de ce très beau roman graphique, réalisé en aplat d’un nuancier de noir, de vert de bleu ? Est-ce Samuel, l’enfant muet ou autiste, que nous voyons grandir et s’adapter au monde à travers son seul regard ? Est-ce nous, lecteurices, pris.e.s au piège de notre pulsion scopique qui ne sera jamais satisfaite dans son envie de voir et surtout de connaître les pensées de Samuel ? Est-ce ce père veuf, toxique et impuissant, incapable d'aimer, de comprendre et de veiller sur son fils différent et dont on suit la chute tout au long du récit ? Un ouvrage où l’on retrouve aussi l’humour, la dérision et l’humanité de l’auteur dans une atmosphère de douceur hypnotique.

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