Une histoire en six points : le braille

Une randonnée drôle et douce pour les petits doigts .

Ce matin lapin se réveille affolé : la lune a disparu ! Aidé d’autres animaux, il va aller à sa recherche. Reprenant un album d’Emile Jadoul, paru en 2001, les éditions les doigts qui rêvent  l’ont adapté pour les enfants malvoyants. Grâce à un jeu de formes et de textures, un élément de chaque animal est représenté pour le symboliser : les oreilles du lapin, les rayures du zèbres, le grand cou de la girafe, la fourrure de l’ours, les dents du loup. Le format tout en hauteur montre bien la quête des animaux, qui tels les animaux des Musiciens de Brême, s’empilent les uns sur les autres pour essayer d’atteindre la lune. Un album en braille et en gros caractères,  très réussi par son originalité et son respect de l’histoire.
 

Une intrigue policière racontée selon les perceptions d’une jeune aveugle.
Luna est sculptrice et s’occupe de sa mère, une femme riche et tyrannique. Luna aime lire… en braille, car Luna est aveugle. Sa vie est bien réglée et presque normale, mais un jour sa mère est retrouvée assassinée, étranglée par un fil de fer, le même qu’utilise Luna pour ses œuvres… Le point de vue de cette bande dessinée, mettant en scène une jeune aveugle aux prises avec la justice est intéressant, car c’est par les ressentis de la jeune fille que l’histoire est racontée. Des cases noires, régulièrement présentes, montrent bien la différence entre ce que nous voyons et ce que l’héroïne « voit ». Bien que le suspense ne soit pas intense, cette bande dessinée est réussie grâce à un texte réduit à l’essentiel, une mise en page efficace et des dessins réalistes.

Une adaptation tactile et sans parole du petit Chaperon rouge.

Tout le monde connaît le conte du Petit Chaperon rouge, alors pas besoin de texte, seules les images racontent l’histoire. Les images ? Enfin plutôt les symboles, car les personnages sont représentés par des ronds. Ici c’est une version tactile : les ronds sont en tissu de couleurs et de  textures différentes permettant à l’enfant malvoyant de suivre l’histoire avec les doigts. Des points en relief symbolisent quant à eux l’environnement : la maison, la forêt. Raconter cette histoire par l’abstraction était un  pari difficile. Mais pas pour Warja Lavater qui est une artiste plus que créative, pour preuve ses leporellos (livres accordéons) qui ont révolutionné l’édition jeunesse dans les années 1960. Magnifique !

Comment reconnait-on les couleurs lorsque l’on est aveugle ? 

Le livre est composé de pages noires avec juste quelques mots écrits en caractères latin et en braille qui décrivent la façon dont Thomas, un jeune malvoyant imagine les couleurs. Le jaune a le goût de la moutarde et est doux comme les plumes d’un poussin, le rouge c’est la colère, le goût des fraises, le vert a l’odeur de l’herbe fraîchement coupée… L’illustration est imprimée en vernis noir, en relief et c’est avec les doigts qu’on la découvre. Une lecture originale d’un très bel album tout en émotions et en sensations où presque tous les sens (sauf la vue bien sûr) sont en éveil. Prix New Horizons Award à la foire internationale de Bologne en 2007.
 

"On ne voit bien qu'avec le coeur".

Victor vit seul avec son père. Au lycée, il s'illustre plutôt dans le rôle du cancre. Mais, en cette nouvelle rentrée, les choses vont changer pour cet ado rebelle, un peu déboussolé : le hasard le place à côté de Marie-José, jolie fille discrète et bonne élève, jeune virtuose du violoncelle. Celle-ci cache un secret : son avenir de musicienne est compromis par une maladie qui va bientôt la rendre aveugle. Accordant sa confiance à ce voisin de classe à la réputation exécrable, elle lui propose un deal : l'aider à améliorer ses résultats scolaires en échange de sa complicité pour masquer la perte progressive de l'usage de ses yeux jusqu'au concours pour intégrer l'école de musique dont elle rêve. Au côté de Marie-José, Victor se métamorphose, l'amour prenant bientôt part à cette transformation. Encore une adaptation réussie d'un roman jeunesse consacré, portée par un dessin aux belles couleurs automnales, en harmonie avec la chevelure de Marie-José et des dialogues délicats qui font le charme de cette romance adolescente.  (publié dans La Revue des livres pour enfants)