Engagements pluriels en BD : d'Auguste Blanqui aux Paysannes en polaire

Engagements populaires contre régimes sanguinaires !

Voici un guide dessiné du Printemps arabe qui présente la situation pays par pays en retraçant pour chacun l’histoire de ses révoltes populaires. L’impression d’un cycle sans fin de révolutions et de répressions. Jusqu’à quand ? Chaque histoire se finit sur une fin ouverte en tout cas, une histoire qui reste encore à écrire ou rien n’est joué. L’accumulation de situations semblables permet de trouver des lois humaines aux soulèvements populaires dans les pays arabes : pouvoirs autoritaires héréditaires à la longévité importante, injustice, corruption généralisée, répression, tortures des forces de police, misère et enfin personnification de la révolution par un inconnu qui devient, de part sa mort, un symbole martyr des souffrances vécues par chacun et la nécessité de faire advenir des Etats plus démocratiques.

Et si le futur était possible ?

Dans cet ouvrage, l'auteur nous entraîne au cœur des motivations des habitants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, loin des clichés médiatiques, au moment où le gouvernement français décide de sa destruction. Une découverte de la résilience de ceux qui sont à la recherche d’un autre monde, qui n’est pas encore écrit et qui sera, espère l’auteur, le marqueur d’un futur de l’humanité :  « l’évènement charnière qui a fait basculer l’histoire ». L’occasion aussi d’interroger et de proposer, à la suite de Philippe Descola, un autre rapport à la nature qui étende « le statut de sujet à de plus en plus de non-humains. » Un message didactique dans lequel l’humour seul tient lieu d’autorité. Une bande dessinée documentaire réalisée à l’aquarelle ce qui permet de faire ressortir toutes la luxuriance des êtres vivants qui la peuplent.

L’encyclopédie visuelle de la lutte des classes !

Une très intéressante BD historique et encyclopédique, divisée par chapitres qui peuvent se lire de manière indépendante, du premier syndicat le plus radical des Etats-Unis. Un des premiers grand mouvement pour les droits civiques, pionnier de la contre-culture , de la reconnaissance des femmes et de l'utilisation de chansons et tracts humoristiques, à une époque où la politique se performe en grande partie dans la rue. Sa répression et ses premiers combats, notamment pour la liberté d’expression. Graphiquement, il y en a pour tous les goûts dans cet ouvrage collectif composé de manière originale avec l’insertion de poésies, chansons, affiches et tracts.  Une histoire inscrite dans la chair des sociétés industrielles et qui ne s’est pas encore écrite.

Un témoignage complémentaire de la riche bibliographie dessinée qui existe aujourd’hui sur la Shoah.

Ecrit en 1943 après l’évasion du camp de Witold Pilecki, officier de l’Armée secrète polonaise chargé d’organiser la résistance à l’intérieur d’Auschwitz, Le Rapport W constitue un témoignage intime sur la vie des prisonniers polonais et sur l’évolution de ce camp de travail en camp d’extermination. Une preuve irréfutable que l’extermination des Juifs et des Tziganes était connue bien avant la libération du camp. Une histoire dans laquelle l’insurrection du camp eût été possible et dont l’ordre était attendu par les centaines de résistants polonais que Witold avaient constitué en réseau. Des tonalités de couleur douces et neutres peintes à la gouache et un trait plus fin pour croquer les visages comme pour tenter de redonner une humanité à ceux qui en furent privés et qui auraient pu être sauvés.

« Pour être crédible, on doit se faire tuer » (Giovanni Falcone, juge antimafia assassiné en 1992)

Asaf Hanuka semble prêter son dessin et sa vie  à cette autobiographie tant le sentiment d'un enfermement au bord de la folie est commun aux deux auteurs. L’utilisation d’une ligne claire sombre recouverte d’aplats gris qui contrastent avec des couleurs vives saturées et parfois complémentaires et entrecoupée de représentations morbides empruntant à l'imaginaire de l’horreur fait magnifiquement écho aux combats journalistiques de Roberto Saviano pour dire l’horreur de la mafia (« Parce que les mafias sont des dictatures à l’intérieur de nos démocraties ») et à sa vie dramatique. Une vie de captif nomade en exil et dont les frères d’armes sont Charb et Salman Rushdie. Un engagement humaniste contre l’oppression aussi au côté d’Occupy Wall Street ou des migrants de Lampedusa.

Les femmes libres et agricultrices sont l’avenir du genre humain.

Voici une bande dessinée dans laquelle les cases n’ont pas de cadre, ce qui loin d’en compliquer la lecture, la rend au contraire bien plus fluide, et peut se comprendre comme une invitation à sortir des sentiers battus et à se lancer dans un véritable retour à la terre.  Une terre sans patron, où la solidarité, la persévérance, la sincérité et l’humour sont les seules armes pour affronter les caprices de l’agriculture et le patriarcat ambiant. Une expérience concrète et rafraichissante qui nous rassure sur les possibilités de lâcher prise peut-être un jour et de tenter l’aventure. Une petite victoire de la vie et l'histoire d'un bonheur bien mérité. Une histoire vraie où pour une fois l’utopie triomphe de la réalité.